Cette recherche visait deux objectifs principaux : la formation de praticienneschercheures
algonquines et l’identification des besoins des parents d’enfants d’âge scolaire
primaire en lien avec l’implantation progressive, pour la première fois dans l’histoire de cette
communauté, d’une école primaire. Elle constitue la phase I d’une recherche‐action
participative d’une durée de quatre ans.
La communauté semi‐nomade algonquine de Kitcisakik est un établissement de six
familles élargies qui, par souci de dignité, a toujours refusé d’être confinée dans une réserve
appartenant au gouvernement fédéral. Cette communauté est sise à une centaine de
kilomètres au sud de Val‐d’Or en Abitibi, au coeur du Parc de Lavérendrye. Avant 1955, les
enfants étaient éduqués par leurs parents, en forêt, où venaient à la saison estivale des Pères
Oblats pour évangéliser et enseigner les rudiments de l’écriture et de la lecture. À l’ouverture
du pensionnat pour enfants autochtones de Saint‐Marc‐de‐Figuery, en 1955, situé à environ
200 kilomètres au nord de Kitcisakik, et jusqu’à sa fermeture en 1973, les enfants ont été
arrachés à leur communauté pour être instruits et ‘civilisés’ dans ce pensionnat. Par la suite,
les enfants ont été dispersés jusqu’en 1989 sur le territoire abitibien pour recevoir leur
scolarisation. Depuis 1989, ces enfants fréquentent l’école à Val‐d’Or où ils vivent en semaine
dans des foyers scolaires ‘blancs’. Depuis septembre 2005, la communauté implante
progressivement une école primaire chez elle en commençant par la maternelle puis, en 2006,
la première année suivie de la deuxième année en septembre 2007.
L’implantation de cette première école à Kitcisakik pose des dilemmes aux parents
d’enfants d’âge du primaire qui ont été privés d’un modèle parental en lien avec une
institution scolaire. Les parents de Kitcisakik ont, en effet, été empêchés, depuis plusieurs
générations, de jouer leur rôle de ‘parents à temps plein’. Cette étude comprend deux volets :
‘travail social‐fonction parentale’ et ‘anthropologie’. L’identification des besoins de ces
parents s’est faite par entrevues de groupes auprès de 59 personnes dont 26 parents, 26
informateurs clés (15 algonquins et 11 intervenants ‘blancs’ dans la communauté) et sept
jeunes de 15 à 17 ans. Des guides d’entrevues semblables mais adaptés à chaque groupe, ont
été développés spécifiquement pour le volet ‘travail social‐fonction parentale’ de cette
recherche. Pour le volet ‘anthropologie’, qui examine la perception des membres de la
communauté de Kitcisakik de l’univers scolaire, 16 personnes de divers âges ont été
rencontrées, pour un total de 75 répondants et répondantes.
Les besoins identifiés par les répondants de la recherche se situent sur six plans :
affectif, culturel, social, scolaire, gestion du quotidien et financier. Les Algonquins de
Kitcisakik sont préoccupés principalement par la perte de la langue et de la culture chez leurs
enfants ce qui crée une détérioration des liens intergénérationnels et d’appartenance à la
culture et à la communauté. Les résultats de cette recherche indiquent que cette petite
communauté d’un peu plus de 400 personnes, vivant en forêt, montre un degré élevé de
conscience de ses besoins, de ses défis et des enjeux liés à l’implantation de sa première
école. Elle désire ardemment la scolarisation de ses enfants dans la communauté afin d’avoir
le contrôle de sa destinée. Un programme à multiples composantes a été développé au terme
de cette première phase de l’étude, ses composantes devant être précisées et mises en oeuvre
dans la phase subséquente.
Auteurs | Bousquet, Marie-Pierre, Dugré, Suzanne, Grenier, Stéphane, Loiselle, Marguerite, Potvin, Micheline |
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Date | 2011 |