Véritable féminicide, la série de meurtres et de disparitions de femmes amérindiennes au Canada , ces dernières années, est une tragédie aussi effroyable qu’inconnue. Derrière l’image propre et paisible de cette contrée des « grands espaces », se cache une réalité qui estomaque : en 30 ans, plus de 1 200 femmes autochtones ont connu une mort violente ou ont disparu. Ce chifFrançais scandaleux est celui qui est désormais reconnu par les autorités canadiennes. Un quart des femmes assassinées ou disparues sont des Amérindiennes, alors même qu’elles ne représentent que 4% des femmes au Canada. Amnesty International et les Nations unies sonnent l’alarme : « Compte tenu du nombre relativement peu élevé d’autochtones dans la population canadienne (un million sur 34 millions d’habitants), et du faible taux de criminalité violente au Canada, ce chifFrançais est véritablement effroyable.» Les associations de défense des droits des autochtones réclament depuis des années qu’une enquête nationale soit ouverte mais le gouvernement refuse de la mettre sur pied. Les femmes amérindiennes du Canada sont victimes de leur extrême vulnérabilité sociale, qu’elles vivent dans des réserves ou à l’extérieur. Elles sont victimes de violences conjugale, familiale, communautaire, mais aussi de tueurs en série, de revendeurs de drogue, de gangs de rue… Le laxisme et le racisme latent ou ouvert des services de police canadiens à l’égard des femmes amérindiennes victimes de violence a fait l’objet de plusieurs rapports, et ce laxisme crée chez les prédateurs un sentiment d’impunité. La journaliste française Emmanuelle Walter a enquêté sur l’un de ces cas de disparition. Maisy Odjik et Shannon Alexander, deux adolescentes originaires de Kitigan-Zibi, une réserve du Nord-Ouest du Québec ont disparu un soir de septembre 2008. L’apathie policière et médiatique après la disparition des deux jeunes filles a été spectaculaire, surtout lorsqu’on compare la manière dont les médias et services de police se sont mobilisés au même moment pour des adolescents disparus qui avaient la chance d’être Blancs. Le style littéraire de Soeurs volées rend immédiate, proche, palpable, universelle, l’histoire de Maisy et Shannon à travers les récits et témoignages des familles, des amis et voisins, des policiers, des avocats.
Ce n’est pas une simple enquête journalistique, ni un essai. C’est un récit-reportage qui décrit des lieux, des personnages, un système social, et un phénomène choquant dans une démocratie occidentale réputée pour son sens du consensus et son accueil de migrants des quatre coins de la planète. Soeurs volées décrit l’angle mort de ce pays soi-disant démocratique qui perpétue, par la négligence et la non-assistance à personnes en danger, la violence coloniale.
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ISBN | 2895961913 |
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