Loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité
Contexte
En 2017, le gouvernement du Québec adoptait la Loi. Le 6 avril 2022, le projet de loi no 101 concernant la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité a été sanctionné, renforçant ainsi la loi initiale de 2017.
Grands changements découlant de la Loi
- Adoption obligatoire d’une politique de lutte contre la maltraitance envers les personnes en situation de vulnérabilité par les établissements publics ou privés du réseau de la santé et des services sociaux (RSSS).
- Bonification du rôle du commissaire local aux plaintes et à la qualité des services des établissements du RSSS (traitement des signalements liés à la maltraitance).
- Possibilité de lever la confidentialité ou le secret professionnel lorsqu’il y a un risque sérieux de mort ou de blessures graves.
- Mise en place d’une entente-cadre nationale.
- Mise en place de processus d’intervention concertés (PIC).
- Signalement rendu obligatoire pour certaines situations de maltraitance et ajout de sanctions pénales en cas de manquement.
- Encouragement du signalement volontaire pour un témoin ou une victime.
Effets sur les Premières Nations au Québec
Effets sur la population
- En cas de signalement d’une situation de maltraitance, les personnes vulnérables des Premières Nations recevant des services du RSSS pourraient faire l’objet d’une intervention (jusqu’à la relocalisation à l’extérieur de la communauté), sans que ne soient consultés, ou même avisés, le centre de santé (ou le poste de soins), les services de police de la communauté ou une personne en autorité (*).
- Les règles de confidentialité pourraient empêcher toute personne non autorisée en vertu de la Loi et des règlements des organismes québécois à contacter la personne signalée et à obtenir de l’information sur elle.
(*) Pour éviter une telle situation, une entente devra être conclue au préalable entre la communauté et les organismes responsables de la région sociosanitaire.
Effets sur les décideurs et les intervenants des communautés
- En cas de signalement, une entente existante entre une communauté et un établissement du RSSS pourrait ne pas s’appliquer si l’entente ne prévoit aucun processus pour une situation de maltraitance.
- Les communautés pourraient se voir incapables de suivre le dossier des personnes signalées auprès du commissaire et être ainsi dans l’impossibilité de soutenir les familles dans leurs rapports avec les organismes québécois impliqués dans l’intervention.
- Afin de respecter son obligation légale et d’éviter les sanctions pénales et déontologiques, un intervenant d’une communauté pourrait être forcé de transmettre un signalement à un responsable du PIC de sa région sociosanitaire dans les cas suivants :
- Si sa communauté n’a pas de politique de lutte contre la maltraitance ou si elle n’est pas organisée pour répondre au signalement.
- Si aucune personne en autorité n’accepte de donner suite au signalement ou n’arrive pas à le faire rapidement.
Processus d’aide à la décision
À la suite de la mise en application de la Loi, il est important pour les décideurs des communautés de connaître leurs options afin de prendre une décision éclairée pour protéger les aînés et les personnes vulnérables de leur communauté. En ce sens, voici quelques actions à considérer pour entamer une telle démarche.
- Déterminer les services concernés par l’application de la Loi dans la communauté (santé, services sociaux, établissements pour personnes aînées et personnes vulnérables, sécurité du revenu, sécurité publique, etc.).
- Évaluer les effets de la Loi sur l’organisation de ces services (rôle des directions, responsabilités des intervenants visés, liens de communications interservices, etc.).
- Recenser les ententes et les processus déjà en place (au sein de la communauté et avec les partenaires du RSSS).
- Revoir les politiques de plaintes déjà en place dans la communauté.
- Informer les autorités politiques des effets prévisibles de la Loi sur les aînés, les personnes vulnérables et leurs familles ainsi que sur le rôle des services relevant du conseil de bande.
- Informer et mobiliser les ressources de la communauté afin d’assurer leur participation aux mesures de protection applicables à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté, selon l’option que la communauté aura retenue (voir les options ci-dessous).
Ressources supplémentaires
Options proposées
Enfin, voici les trois options proposées ainsi que leurs avantages respectifs.
Statu quo
Entente de collaboration
Politique de lutte contre la maltraitance accompagnée d'un PIC
La communauté ne prend aucune mesure particulière.
La communauté adapte une entente existante ou conclut une entente particulière avec la région sociosanitaire pour l’application de la Loi
La communauté adopte sa propre politique de lutte contre la maltraitance
Statu quo
Le statu quo signifie que le gouvernement du Québec intervient sur le territoire pour appliquer la Loi, y compris dans les communautés. Cette option implique qu’en cas de situation de maltraitance, seules les ressources du RSSS pourront intervenir. Il y a alors un isolement possible des personnes signalées de leur milieu, de leur culture et de leur famille.
Avantages
- Pas de démarches administratives ou de changements à apporter aux pratiques actuelles.
Inconvénients
- La personne signalée sera prise en charge par les intervenants du réseau québécois, conformément au PIC.
- Il y a un risque que la personne soit placée à l’extérieur de la communauté, ce qui peut entraîner son isolement par rapport à son environnement, à sa culture, à sa famille et aux services communautaires.
- La politique de confidentialité des établissements régionaux de Santé Québec peut limiter l’accès à l’information et la communication par les intervenants de la communauté lorsque la personne est prise en charge dans le cadre d’un PIC, même en présence d’un accord de services.
- Le centre de santé et les services communautaires peuvent rencontrer des difficultés à suivre le dossier et à soutenir la personne et sa famille.
Entente de collaboration
Les communautés peuvent adapter une entente de collaboration existante avec un établissement du RSSS ou conclure une entente particulière pour l’application de la Loi. Une telle entente permettrait, entre autres :
- D’assurer un suivi des signalements.
- D’échanger de l’information sur les dossiers des personnes signalées.
- De proposer des solutions culturellement sécuritaires.
- D’accompagner les familles des communautés.
Cette option comporte toutefois des éléments importants à prendre en compte :
- L’établissement pourrait demander, avant de signer une telle entente, que le centre de santé ou le poste de soins de la communauté applique sa politique. Dans le cas où l’établissement accepterait que la communauté élabore et mette en place sur son territoire sa propre politique, celle-ci devrait probablement être conforme et compatible avec la politique de l’établissement et la Loi provinciale.
- Les intervenants membres d’une corporation professionnelle qui travaillent pour le centre de santé ou le poste de soins de la communauté feraient leur signalement auprès des instances québécoises.
- Le PIC de la région s’appliquerait.
- Les échanges d’information pourraient être limités, en raison des restrictions à l’information prévues dans la Loi et dans le cadre du PIC de la région.
Avantages
- Mise en place d’un canal de communication avec le réseau québécois pour le suivi des signalements, l’échange d’information et le suivi des dossiers.
- Possibilité de proposer des solutions culturellement sécuritaires.
- Accompagnement des personnes et des familles par des intervenants de la communauté et du réseau québécois.
Inconvénients
- Obligation de se conformer à la Loi et d’appliquer la politique de lutte contre la maltraitance de l’établissement régional de Santé Québec concerné ou de s’assurer que la politique de la communauté est compatible et reconnue.
- Partage d’information possiblement restreint, limitant la capacité d’action de la communauté. Quoi prévoir pour la mise en place d’une entente?
Étape 1 : déterminer l’établissement régional de Santé Québec avec lequel collaborer ainsi que les ententes touchées.
Étape 2 : négocier les termes de l’entente, en veillant à inclure des dispositions pour la protection et les échanges d’informations confidentielles avec Santé Québec, le respect des pratiques culturelles de la communauté et la participation de la communauté au processus de signalement et d’intervention.
Étape 3 : mettre en œuvre l’entente, en établissant des canaux de communication clairs et en assurant une formation adéquate des intervenants communautaires et des intervenants du réseau québécois.
Aide-mémoire
- Conditions de l’entente : que le degré d’implication de la communauté en cas de signalement soit en fonction des conditions de l’entente et que la communauté ait la flexibilité de s’assurer que les politiques communautaires sont compatibles avec celles de l’établissement et la loi provinciale.
- Modalités légales : préciser les modalités légales de la loi sur la maltraitance qui pourraient être adaptées aux particularités culturelles et sécuritaires de la communauté et obtenir l’approbation de celle-ci.
- Corridor de services : si un corridor de services est en place avec la région sociosanitaire, évaluer les mesures existantes permettant le partage d’information pour la gestion des cas de maltraitance.
- Partage de l’information à définir : que l’entente précise les procédures et les mesures pour le partage d’information sur les cas.
- Procédure de plaintes : si la communauté a déjà une procédure pour les plaintes de maltraitance, voir si elle peut être reconnue et adaptée par la région sociosanitaire.
- Lien de communication en lien avec le PIC : que l’entente prévoit un lien de communication entre la communauté et l’établissement pour l’application d’un PIC régional.
- Signalements à Santé Québec : les intervenants professionnels travaillant pour le centre de santé ou le poste de soins continuent de signaler les cas à Santé Québec, conformément à la Loi. La communauté peut aussi envisager d’inscrire une dérogation à cette disposition dans l’entente, si elle se dote d’un mécanisme de dénonciation pour les professionnels travaillant dans la communauté.
- Cas à signalement obligatoire : pour les personnes dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée ou sous tutelle avec un mandat de protection dans une communauté des Premières Nations, établir un lien de communication et d’échange d’information avec le PIC de la région sociosanitaire.
- Cas ayant lieu en dehors de la communauté : pour les cas de maltraitance qui surviennent en dehors des communautés, vérifier si des modalités culturellement sécuritaires peuvent être appliquées et reconnues par la région sociosanitaire.
- Consentement : définir clairement le consentement en tenant compte des particularités culturelles et linguistiques, sauf en cas de danger imminent pour la vie. (La Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador [CSSSPNQL] recommande l’obtention écrite ou orale dans la langue maternelle.)
- Primauté de l’entente : s’assurer que l’entente prévaut sur les autres ententes existantes.
Politique de lutte contre la maltraitance accompagnée d’un PIC
La troisième option est d’élaborer une politique de lutte contre la maltraitance, en plus d’adopter et de mettre en œuvre un PIC de la communauté, par voie d’un règlement en vertu de la Loi sur les Indiens, pour lui donner une portée juridique. Cela permettrait, entre autres :
- D’identifier les intervenants désignés pour mettre en œuvre le PIC de la communauté, de même que ceux qui pourraient participer à un processus d’intervention déclenché par un organisme du RSSS pour un membre de la communauté résidant à l’extérieur de celle-ci.
- Le signalement se ferait auprès d’un intervenant désigné dans la communauté pour recevoir les plaintes et qui aurait la responsabilité de mobiliser les ressources prévues à l’échelle locale.
En parallèle, en se basant sur leurs propres pouvoirs légaux, il serait nécessaire pour les communautés de convenir ou de mettre à jour une ou plusieurs ententes avec les établissements et les organismes participant au PIC de leur région sociosanitaire afin de :
- Faciliter la reconnaissance de la politique contre la maltraitance et du PIC de la communauté par ces organismes.
- Convenir avec eux des liens de coordination et de communication à établir entre les intervenants désignés dans le cadre du PIC de la communauté et ceux du PIC de la région en cas de signalement par un établissement du RSSS.
- Modifier toute autre entente portant sur les corridors de services de façon à tenir compte des situations liées à un cas de signalement de maltraitance, que celui-ci soit fait dans le cadre d’un PIC déclenché par les services de la communauté ou par un établissement du RSSS.
Avantages
- Le contrôle sur la prise en charge des situations de maltraitance.
- Des solutions adaptées à la culture et aux valeurs de la communauté.
- Le renforcement de l’autonomie et du pouvoir d’agir de la communauté.
- Les professionnels de la communauté peuvent légalement signaler à un intervenant désigné et mobiliser les ressources du mécanisme de concertation.
Inconvénients
- Processus complexe et exigeant en ressources humaines et financières.
- Engagement soutenu requis.
- Risque de ne pas bénéficier du soutien du réseau de la santé ou des intervenants du PIC, les intervenants pourraient refuser d’exercer les pouvoirs que la Loi leur accorde.
Quoi prévoir pour la mise en place de votre politique?
Étape 1 : créer un comité ou un groupe de travail chargé d’élaborer la politique et le mécanisme de concertation communautaire, en engageant les aînés, les personnes vulnérables, leurs familles et les intervenants communautaires clés.
Étape 2 : rédiger la politique, en définissant clairement les rôles et responsabilités de chacun, les procédures de gestion de signalement et d’intervention, les sanctions, les mesures de protection de l’information confidentielle ainsi que les mesures de prévention, de sensibilisation et de formation.
Étape 3 : adopter la politique par un règlement du conseil de bande, en vertu de la Loi sur les Indiens et des droits inhérents inscrits à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Étape 4 : mettre en place les ressources humaines et financières nécessaires pour appliquer la politique.
Étape 5 : assurer la formation des intervenants communautaires sur la politique.
Étape 6 : envisager la conclusion d’ententes avec les établissements régionaux de Santé Québec et les organismes québécois concernés pour faciliter la collaboration et la coordination en cas de besoin.
Étape 7 : évaluer régulièrement l’efficacité de la politique et apporter les ajustements nécessaires.
Comment choisir la meilleure option?
Chaque communauté est unique et doit choisir l’option qui correspond le mieux à ses besoins, à ses ressources et à ses aspirations. Voici quelques suggestions pour vous soutenir :
- Mobiliser les intervenants concernés.
- Consulter les membres de la communauté pour connaître leurs préoccupations et leurs attentes.
- Évaluer les ressources disponibles pour mettre en œuvre l’option choisie.
- Solliciter de l’aide pour élaborer une politique ou une entente de collaboration adéquate.
Pour obtenir plus d’information sur la Loi ou pour obtenir du soutien, n’hésitez pas à communiquer avec nous, à info@cssspnql.com ou au 418-842-1540.